François Pérol
Président du directoire
BPCE
Mercredi 27 janvier 2016
Ce que les banques ont appris de la crise
Compte-rendu
À l’occasion de son 6ème anniversaire, le club Les Echos Débats en partenariat avec Kurt Salmon et Anaplan recevait le 27 janvier 2016 François Pérol, Président du directoire du Groupe BPCE, autour du thème: « Ce que les banques ont appris de la crise ».

François Pérol et BPCE

Né au Creusot, fils de pneumologue, François Pérol est diplômé de HEC et de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Ancien élève de l’ENA, cet inspecteur des Finances passé par la direction du Trésor (2001), puis par la Banque Rothschild (2005), a participé par ailleurs aux cabinets des ministres de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, Francis Mer (2002-2004), puis Nicolas Sarkozy (2004), et a rejoint ce dernier à l’Élysée en 2007 comme secrétaire général adjoint. Depuis le 1er août 2009, il est président du directoire de BPCE.
François Pérol est revenu sur les deux principales leçons de la crise : 

« Les banques sont des institutions mortelles »

Certains établissements financiers ont disparu pendant la crise, notamment ceux qui recherchaient un trop grand effet de levier. En effet, ces banques ont fondé le développement de leur rentabilité sur une politique de fort endettement permettant d’augmenter la rentabilité à fonds propres constants. Or, cela les rendait plus vulnérables aux variations du marché et à la conjoncture économique.

François Pérol estime que les banques qui ont pour la plupart survécu reviennent désormais à cinq principes fondamentaux :
  1. Une banque correctement capitalisée : la nouvelle réglementation oblige les banques à accroître leur capitalisation sous forme de fonds propres. A titre d’illustration, depuis 2009 le Groupe BPCE a doublé ses fonds « durs » (Common equity tier 1), passant de 23 Md€ à 50 Md€ tout en se concentrant sur les activités moins risquées.
  2. Une structure de financement saine et solide : la réglementation a contraint les banques à respecter des règles de financement plus strictes à court, moyen ou long terme. Désormais, les banques ont renforcé leurs réserves de liquidités (en numéraires ou actifs cessibles rapidement). À titre d’exemple, en mars 2009, le Groupe BPCE avait un gap de liquidités à deux mois de 180 Md€ contre un excédent de 20 Md€ aujourd’hui (différence entre besoins de trésorerie à 2 mois et les réserves disponibles). Par ailleurs, les activités de crédits doivent être principalement financées par les dépôts et moins par les appels aux marchés. Aujourd’hui, dans le Groupe BPCE, 100 € de dépôts financent 116 € de crédits (contre 170 € en 2009).
  3. Une gestion des risques au coeur de la rentabilité bancaire : la capacité d’une banque à se différencier émane normalement de sa faculté à mieux apprécier les risques que d’autres acteurs économiques. Cette capacité provient de son expérience, de ses équipes et de la qualité de ses systèmes.
  4. Un management professionnel : la maîtrise des produits bancaires doit guider les responsables dans leurs décisions. Cela entraînera naturellement un désengagement des produits dits toxiques que François Pérol traduit comme « des produits que le top management ne comprend pas car maîtrisés seulement par des experts », et qui sont par nature une bombe à retardement.
  5. Une supervision forte : la BCE est à juste titre le nouveau superviseur européen. Elle dispose de moyens lui permettant de juger la gestion des banques européennes.

« Les banques se sont rappelées qu’elles sont avant tout au service de leurs clients »

D’abord, en se souvenant que leur métier est avant tout un métier de service et de relation : à ce titre, il précise que le Groupe BPCE a décidé de consacrer l’intégralité de ses ressources (capital, liquidités et humaines) au service des clients ; c’est la raison pour laquelle il a mis un terme aux activités dites « pour compte propre », correspondant au négoce réalisé avec les fonds propres de la banque pour son seul bénéfice, et non pour le compte de ses clients.
« J’ai la conviction que si les banques françaises ont relativement mieux résisté à la crise de 2008, c’est parce que, très fondamentalement leur culture est une culture du crédit et non une culture du marché. »
François Pérol rappelle dans un second temps que la nouvelle vague des innovations digitales conduit les banques à remettre le client au centre : aujourd’hui, le client souhaite être autonome, il est friand de toutes les solutions technologiques qui peuvent l’accompagner dans cette autonomie. Les banques doivent s’adapter à cette révolution et se préoccuper exclusivement de ses attentes.

En conclusion, François Pérol insiste sur l’importance de la transformation digitale et précise que cette évolution nécessitera de garantir la cohésion du Groupe et de sa gouvernance, d’apporter de la visibilité aux équipes et de favoriser la capacité de travailler ensemble. Dans ce cadre, et face aux échéances courtes de son mandat, il a demandé et obtenu son renouvellement anticipé afin de créer les conditions de gouvernance nécessaires à l’accompagner dans cette révolution digitale.

Dans les questions de l’auditoire, le débat s’est ouvert par une question d’Henri Gibier, directeur des développements éditoriaux des Echos, au sujet du sort des agences du Groupe à horizon 2020.

F.P. : Il ne s’agit pas d’un sujet d’inquiétude mais d’une réalité que les dirigeants du Groupe s’approprient progressivement. Convaincu que les réseaux de distribution seront d’abord digitaux, BPCE revisite sa stratégie en ayant assimilé que seuls les comportements clients auront une incidence sur cette évolution. C’est le client qui est au centre de la relation, les conseillers et les réseaux physiques sont eux des garants de la qualité du service et de l’expérience client.

Par ailleurs, le réseau d’agences a déjà entamé son évolution. Pour autant, le Groupe ne souhaite pas engager un effet d’annonce et coordonne cette transformation selon deux réflexions majeures. D’une part, tant qu’on ne possède pas les outils performants face à cette digitalisation, nous sommes convaincus qu’il n’est pas judicieux de désarmer les réseaux physiques, et ce, pour ne pas affaiblir les résultats et, par conséquent, les capacités d’investissement et de transformation. D’autre part, plus que l’agence, il faut s’intéresser aux conseillers, notamment ceux présents dans les petites agences vouées à un regroupement ou à une spécialisation.

L’élément crucial de cette évolution réside dans la mobilisation des équipes internes. Elles doivent s’apercevoir que ce mouvement n’est guère angoissant, mais à l’inverse, constater une opportunité vers de nouveaux modèles d’affaires que seules les technologies peuvent nous offrir.
« Est-ce qu’on sera les mêmes dans 5 ans ? Non, certainement pas. Est-ce qu’il y aura des changements ? Oui. Est-ce que ces changements seront positifs ? Ça dépend de nous. »

Joël Nadjar, responsable au niveau mondial de la practice Banques et Institutions Financières chez Kurt Salmon, a ensuite évoqué le positionnement de BPCE face à l’émergence des FINTECHS.

F.P. : Ces acteurs font partie intégrante du nouveau paysage concurrentiel. Ils ont le mérite d’apporter de nouvelles idées et de nouvelles méthodes. Face à cela, le Groupe envisage toutes les solutions pertinentes, à savoir des partenariats ou même des acquisitions. Les rapprochements plébiscités auront vocation à offrir à ces acteurs les moyens adéquats pour accélérer le développement de leur projet. François Pérol rappelle, en outre, que grâce à une mobilisation interne, des entreprises ont été développées à l’intérieur même du Groupe.

Pascal Boulard, à la tête de la relation presse et publique d’Anaplan, pose une question sur le rajeunissement des membres du comité exécutif afin de mieux capturer les évolutions de la société. 

F.P. : Le comité de direction générale de BPCE compte déjà parmi ses membres une personne de moins de 40 ans. La transformation actuelle du système bancaire, sous l’impulsion de la révolution digitale, exige du dirigeant d’être de moins en moins un « sachant technique » mais préférablement un recruteur de talents et un animateur / manager d’équipes. Cela oriente naturellement le Groupe BPCE à envisager le renforcement de ses équipes par des talents provenant d’horizons divers, que ce soit dans les domaines de la donnée, de la connaissance de l’écosystème digital ou du développement.

Pierre de Brabois, associé au sein de la practice Banques et Institutions Financières chez Kurt Salmon, est revenu sur la courbe des taux durablement basse et l’impact sur la stratégie de la banque.

F.P. : La courbe actuelle des taux ne favorise pas les activités d’intermédiation et a un impact sur la structure des revenus. Face à cela, les banques essayent, dans un premier temps, de se focaliser sur des éléments contrôlables, à savoir, la maîtrise des coûts et la productivité ; le digital étant un outil pour atteindre ces objectifs. En outre, les conséquences sur les allocations d’épargne impactent des paramètres importants de l’activité, tels que les frais de gestion et les coûts de structuration de certains produits. Par conséquent, les banques essayent d’orienter les clients vers des actifs à plus forts rendements (ex. vers des contrats d’assurance vie en unité de compte plutôt qu’en euros).

Les dernières questions ont été l’occasion d’aborder la stratégie de BPCE à l’international. François Pérol a signalé qu’en dehors de l’Europe, les Etats-Unis représentent la première zone de développement de la banque de grande clientèle et de gestion d’actifs, suivis par l’Asie puis l’Afrique. En matière de banque de détail, la consolidation du marché, sous l’influence de la surveillance unique de la BCE, permettra un développement européen via des projets digitaux. Enfin, le Groupe entend détenir les capacités d’un développement de la banque de détail en Afrique.


Par Joël nadjar - Associé joel.nadjar@kurtsalmon.com
et Taha taoussi - Consultant taha.taoussi@kurtsalmon.com
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