Olivier Klein
Directeur général
GROUPE BRED
Professeur d'économie Financière
HEC
Mardi 26 septembre 2017
Face à l'ubérisation annoncée, quelles clés du succès pour les banques ?
Compte-rendu
Le 26 septembre 2017, le Club Les Echos Débats en partenariat avec Wavestone, Pénélope et Favart recevait Olivier Klein, Directeur Général du Groupe BRED et Professeur d’économie financière à HEC, autour du thème « Face à l’Ubérisation annoncée, quelles clés de succès pour les banques ? ».


Olivier Klein, enseignant et dirigeant de la BRED avec une histoire en bleu et rouge

Professeur affilié à HEC, Olivier Klein est co- responsable de la majeure « Managerial and Financial Economics » et du MSc du même nom. Il y donne des cours de politique, d’économie financière, et d’économie et de gestion de la banque. Il a été préalablement enseignant à Paris 1 Panthéon-Sorbonne ainsi qu’à l’ENSAE dont il est diplômé. Il a également suivi le cycle d’études supérieures en finance de HEC, est licencié en économie et diplômé d’anglais et russe.

Olivier Klein démarre sa carrière en 1985 à la BFCE (Banque Française pour le Commerce Extérieur) puis crée et dirige la Banque d’Affaires et d’Investissement de la BFCE. Il fait ensuite partie de l’équipe chargée de fusionner la BFCE et le Crédit National pour donner naissance à Natexis.

En 1998, il intègre le Groupe Caisse d’Epargne où il exerce dès 2000 la fonction de Président du Directoire de la Caisse d’Epargne Ile-de- France Ouest. Dans la période intense de fusion des Caisses, il pilote en 2007 le rapprochement de la Caisse des Alpes et celle de Rhône-Alpes Lyon dont il assure la Présidence du Directoire.

En 2008, la Banque Populaire et la Caisse d’Epargne se marient et en 2010 devient Directeur Général en charge de la Banque Commerciale et Assurance au sein de BPCE. Enfin, en 2012, il prend la tête de la BRED, la plus grande des Banques Populaires.

L’Ubérisation comme impact des nouvelles technologies sur le modèle bancaire

Olivier Klein prend le parti de concentrer son intervention sur l’acception du terme Ubérisation comme la somme des menaces que font peser les startups et nouvelles technologies sur les modèles économiques établis. L’industrie bancaire est l’archétype d’un secteur traversé par le foisonnement des innovations : digitalisation des services, des contrats, des signatures, des processus ; robotisation ; Big Data ; Intelligence Artificielle ; etc.

Pour être plus spécifique le DG de la BRED propose de s’intéresser au marché des particuliers et des professionnels pour adresser deux questions :
  1. La digitalisation implique-t-elle à terme la disparition des agences et la réduction du nombre de banques à réseau ?
  2. Est-ce que les startups, Fintechs ou GAFA peuvent s’implanter durablement sur des segments de la chaîne de valeur bancaire impliquant une possibilité de perte d’activités rentables ?

La fréquentation des agences pour les opérations courantes baisse, c’est une chance à saisir

Avec une fréquentation des agences toujours en baisse, il est légitime de se demander si les banques vont s’en détourner pour privilégier un modèle de banque en ligne ou néo-banque. Cependant cette vision doit être mise en perspective des deux rôles historiques joués par le réseau physique.
  • La banque transactionnelle qui vise à gérer les opérations de banque au quotidien s’est déportée essentiellement sur des canaux digitaux : web, mobile, automate. Cela implique une chute de la fréquentation des agences facilitant la vie du client et bénéficiant aux établissements financiers qui réduisent le temps passé à des activités à faible valeur ajoutée.
  • La banque relationnelle, elle, a tendance à croître. C’est la « banque des projets de vie » qui permet d’accompagner les clients dans le bon déroulement de leurs projets grands ou petits. Elle implique d’orchestrer l’ensemble des produits et services de l’univers de besoins auquel répond la banque. Cette banque est légitime en ce qu’elle s’inscrit dans la « relation longue » que le banquier entretient avec le client par l’épargne ou les crédits. « A la BRED nous constatons une augmentation du nombre de rendez-vous par conseiller ».

Les agences doivent se concentrer sur un terrain de légitimité « la banque relationnelle »

Parmi les pays européens, la France se distingue par un modèle faisant une grande place au relationnel. Ainsi, Olivier Klein constate que les modes de relation évoluent du physique au mail, téléphone ou chat, ... sans supprimer la nécessité du conseiller bancaire.

Libéré du transactionnel, le conseiller se recentre sur son coeur de métier : le conseil. Cependant, dans un monde où les clients sont plus informés, l’exigence de qualité du conseil devient plus forte. De même la culture d’instantanéité vient changer les codes traditionnels.
L’enjeu devient alors de développer la formation des commerciaux pour accroître la capacité de mieux servir les clients. La BRED a d’ailleurs augmenté son budget formation de 40% sur les dernières années. La conviction d’Olivier Klein est que la qualité du conseil est un levier fort d’accroissement du PNB par une plus grande satisfaction. On est loin de l’approche qui consiste à « pousser du produit ».

Dans ce contexte, l’Intelligence Artificielle et le Big Data sont au service du conseil en tant qu’outils efficaces de détection et décryptage des besoins du client le plus en amont possible. Ils permettent également de mieux préparer les rendez-vous pour augmenter la productivité commerciale.

Le conseiller virtuel vaut pour la banque transactionnelle, mais bute sur le relationnel

Si la nécessité du conseiller bancaire est bien déterminée, qu’en est-il des conseillers virtuels ? Théoriquement, l’alliage du Big Data, de l’Intelligence Artificielle permet des campagnes d’e-mails ou de sms push ultra-ciblées avec des propositions personnalisées, et ce sans aide humaine.

Dans la réalité, Olivier Klein reste convaincu de la nécessite de l’intervention humaine pour trois raisons.

D’abord, il cite une expérience menée à la BRED. Des mailings clients ont été effectués avec un taux de retour de 2 à 3%. Une fois couplés avec des appels par les conseillers les résultats ont alors été multipliés par 10.

Ensuite, c’est l’importance de l’intelligence émotive qui entre en jeu. Pour décider, il faut avoir une bonne analyse et l’intuition de la bonne solution. Or, l’Intelligence Artificielle permet de réaliser de très bonnes analyses, mais ne joue pas sur le registre des émotions ou des intuitions.

Enfin, c’est la saturation des clients face à tous les e-mails et sms reçus qui est évoquée. Le degré de sollicitation est déjà important et les messages deviendront bientôt inaudibles dans le brouhaha. Le véritable différenciateur devient alors la présence et l’interaction humaine.

La désintermédiation par les Fintechs est parfois surévaluée
Les Fintechs se développent de plus en plus, risquent-elles d’attaquer la rentabilité des banques ?

Elles inquiètent et enthousiasment à la fois car elles sont stimulantes pour les banques. Néanmoins, Olivier Klein les classe en deux catégories.

Il y a les acteurs qui n’ont pas accès aux données clients. Ceux-ci peuvent difficilement perturber le modèle des banques. Ces Fintechs permettent aux banques d’élargir l’offre de service de manière flexible, à moindre coûts et plus rapidement via des partenariats commerciaux, technologiques ou capitalistiques.

Par ailleurs, il y a les Fintechs qui ont accès à une partie des données des clients. Les agrégateurs de compte en sont l’illustration parfaite. Ces acteurs peuvent chercher à désintermédier les banques teneur de compte en proposant leurs propres services ou en jouant le rôle de distributeur pour des établissements concurrents. C’est une vraie menace, mais le constat est que peu de Fintechs et aucun GAFA ne jouent réellement ce rôle aujourd’hui car elles ne souhaitent pas subir l’ensemble des contraintes bancaires. De plus, les citoyens ont une conscience de plus en plus aigüe des problématiques de protection des données qui sera encore renforcée par le règlement général sur la protection des données (GDPR) qui entre en vigueur en 2018.

En synthèse, Olivier Klein ne prétend pas prédire l’avenir, mais ne joue pas les Cassandres en affirmant que la banque est la sidérurgie de demain. Au contraire, il valorise la qualité du conseil haut de gamme et la force d’une relation de long terme avec les clients.


Par Joël Nadjar, Partner Financial services - joel.nadjar@wavestone.com,
Pierre de Brabois, Partner Financial services - pierre.debrabois@wavestone.com,
Jaouad Jbilou, Directeur Financial services - jaoud.jbilou@wavestone.com
et Soraya Hajji, Consultante Financial services - soraya.hajji@wavestone.com
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