Franck Riboud
Président-Directeur Général
DANONE
Jeudi 24 septembre 2015
Quel rôle social pour l’entreprise ?
Compte-rendu
Le 24 septembre 2015, pour sa 44ème édition, le Club Les Echos en partenariat avec Kurt Salmon recevait le Président du groupe DanoneFranck Riboud, autour du thème : « Quel rôle social pour l’entreprise ? »

Franck Riboud en trois dates clefs

  • 1981 : Franck Riboud rejoint l’entreprise familiale BSN dirigée par son père, Antoine Riboud. Le groupe deviendra Danone en 1994.
  • 1996 : Il succède à son père et devient Président Directeur Général de Danone
  • 2014 : Il décide de céder la direction opérationnelle du groupe à Emmanuel Faber, alors Directeur Général délégué, afin de se concentrer sur les grandes orientations stratégiques de Danone à moyen et long termes en conservant son rôle de Président du conseil d’administration.

Sa trajectoire au sein du groupe et sa vision pour l’avenir

Lorsque Franck Riboud rejoint le groupe familial BSN dirigé par son père Antoine Riboud, l’entreprise est en pleine mutation. D’industriel du verre, BSN est devenu un géant français de l’agroalimentaire. En 1994 BSN devient Danone, dont Franck Riboud deviendra le PDG en 1996. C’est alors qu’une nouvelle phase de mutation se met en place : le groupe décide de céder 60% de ses actifs (bière, confiserie, champagne) pour se recentrer autour de trois activités-clés : les eaux, les produits laitiers frais et la nutrition infantile. De géant français de l’agroalimentaire, Danone est devenu une entreprise mondialisée de l’agroalimentaire. Cette trajectoire, Danone la doit en grande partie à Franck Riboud, l’homme d’une entreprise mais aussi un homme de passion. Il vit pour l’entreprise qu’il a façonnée autour de valeurs humaines qui lui sont chères. Il est également féru de sport, comme peut en témoigner l’engagement du groupe dans le golf (Evian Master) ou le Football (Evian Thonon-Gaillard).

Depuis un an, ayant pris du recul vis-à-vis de la gestion courante Franck Riboud, avoue avoir « du mal à lâcher les manettes » mais il semble aujourd’hui avoir trouvé le bon réglage et le bon mode de fonctionnement avec Emmanuel Faber, le nouveau Directeur Général – il faut dire que les deux hommes se connaissent depuis 20 ans.

Concernant l’avenir, plutôt que de parler de confiance, Franck Riboud préfère citer ce qui le rassure. Le groupe a la chance de pouvoir s’appuyer sur des produits et des marques fortes, des équipes de grande qualité et d’être présent dans une grande diversité de pays, ce qui limite les risques d’exposition aux aléas économiques et politiques. Danone dispose avant tout d’un véritable « code génétique » qui lui permet de faire vivre ce qui a fondé les valeurs du groupe, les méthodes de travail et de prise de décisions.

Conserver sa culture d’entreprise dans une conjoncture difficile

La culture d’entreprise doit servir à impacter la manière dont les gens font leur métier plutôt que d’empêcher d’agir. Lorsque le groupe en 2013 s’est séparé de 900 cadres en Europe, la mobilité interne et les départs volontaires ont été privilégiés. Beaucoup de projets personnels et de formations ont effectivement été financés par Danone. La culture d’entreprise est la manière (le « comment ») avec laquelle on mène les actions nécessaires pour l’entreprise.

En 2012 le groupe avait enregistré des résultats records. La restructuration menée en 2013 visait à anticiper les évolutions du marché européen afin de ne pas mettre l’entreprise en difficulté et de pouvoir continuer à nourrir des projets ambitieux. Franck Riboud souhaite faire évoluer les mentalités : l’opinion accepte facilement ces plans de restructuration lorsque les entreprises sont dos au mur, mais pas lorsque ces dernières sont en bonne santé et ont justement les moyens de s’occuper de leurs salariés. Ces décisions doivent être prises pour permettre à l’entreprise de gagner en efficacité, sous réserve qu’elle partage la valeur créée avec ses salariés afin de maintenir l’équilibre social et économique.

Dans un contexte de consolidation de la grande distribution, la course à la taille n’est pas la bonne réponse. Nestlé, le plus gros industriel de l’agroalimentaire, représente moins de 2% du chiffre d’affaires d’un hypermarché aujourd’hui. La vraie différence réside dans la création de valeur des marques et pas dans les négociations. Franck Riboud préfère d’ailleurs penser à des alliances qu’à des rachats. C’est toujours l’ADN du groupe qui doit dicter sa conduite. Pendant la crise laitière, Danone a mis en place un fonds d’aide aux exploitations familiales qui représentent 70% des fournisseurs de lait du groupe, et pourtant Danone ne représente que 4% des achats de lait en France.
Aujourd’hui, toutes les entreprises et surtout les plus grosses peuvent faire des erreurs, ça a été le cas de Volkswagen récemment et ce fut le cas de Danone par le passé. D’où la nécessité de se renforcer sur les process de conformité, qui n’étaient au départ que peu ancrés dans la culture du groupe.

Est-on plus heureux chez Danone que chez Google ?

Danone ne cherche pas à être le meilleur élève de la classe, mais agit selon ses convictions. Les systèmes de bonus classiques ne motivent plus la jeune génération qui a des attentes supérieures. Les managers de Danone bénéficient d’un système de mesure de la performance réparti équitablement sur 3 axes :
  1. Sociétal et environnemental.
  2. Managérial.
  3. Economique.
L’entreprise doit bien entendu faire des profits, mais la façon dont elle les utilise est tout aussi importante. Dans ce contexte il faut trouver le bon équilibre entre les actionnaires, les salariés, les produits, les clients. Dès 1972, le groupe a affirmé qu’il ne pouvait y avoir de progrès économique sans progrès sociaux, et inversement. Danone différencie donc sa stratégie par une forte dose d’émotionnel, ce sont des intuitions et des sensations qui ont construit l’histoire et l’ADN du groupe - comme par exemple l’implantation en Inde, due au fait que Jean Riboud était marié à une Indienne.

Le management de Danone ne se résume pas aux outils, il est basé à 90% sur l’émotion et vise à donner du sens aux employés, comme à travers ce qui a été fait avec Muhammad Yunus ou Ecosystème. L’objectif est d’avoir des gens mobilisés autour de l’amour du produit et de la marque mais aussi de valeurs fortes. Pour Franck Riboud, la mesure de la performance se résume trop souvent aux seuls indicateurs financiers. Or l’émotion est un outil de management incroyable, mais pour avoir la liberté d’utiliser ces outils il faut atteindre au préalable les objectifs financiers. Danone est une entreprise d’une taille suffisamment importante pour que la réussite de son projet de management social permette de faire évoluer les mentalités ; elle n’est pas la seule à intégrer ces paramètres dans son système de management et la plupart des sociétés seront bientôt contraintes de faire de même, pour prendre en compte les aspirations des nouvelles générations arrivant sur le marché du travail.

Pour parvenir à faire cohabiter les différentes générations et cultures au sein du groupe, Danone organise toute l’année à Evian des rencontres de cohésion où toutes les fonctions, toutes les origines sont mélangées et une véritable alchimie d’équipe se crée. M. Riboud insiste sur la nécessité de mettre de l’humain dans la stratégie. On pourrait également citer la Danone World Cup des salariés, qui offre un mélange de culture extraordinaire. Tout cela concourt à rassembler les collaborateurs autour de valeurs communes et à les mobiliser autour des enjeux à venir.

Une relation de proximité avec les consommateurs au cœur des nouvelles tendances

Avec Actimel, Activia ou Evian, Danone a mis l’accent sur le digital qui a révolutionné les modes et les budgets de communication ; pour autant, des évènements physiques accompagnent toujours les campagnes digitales pour garder contact avec les consommateurs. Selon Franck Riboud, pour faire du digital il faut véritablement emmener l’ensemble de l’entreprise dans le système, et pas simplement installer un département Communication digitale ou un CDO (Chief Digital Officer).

Danone en tant qu’industriel ne sera probablement pas « uberisé » via le digital ; en revanche, les circuits de distribution peuvent l’être. Danone sera donc concerné et a commencé à anticiper, en testant la livraison d’Evian à domicile via le dispositif « evian chez vous ». Autre exemple, le paiement mobile risque à terme de bouleverser les rapports avec la grande distribution en désintermédiant la vente – de l’industriel au consommateur.

Le digital est la grande tendance qui va impacter les métiers et les équipes, il bouleverse la manière de comprendre et de se connecter au consommateur. Demain, Amazon pourrait vendre les yaourts Danone, il en a les outils ; et Google est l’entreprise qui investit le plus en recherche automobile.


Par Armand De Vallois, Associé armand.devallois@kurtsalmon.com,
Yves Marin, Senior Manager yves.marin@kurtsalmon.com
et Rémy Poulet, Consultant remy.poulet@kurtsalmon.com
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