Alexandre Bompard
Président-directeur général
GROUPE FNAC
Jeudi 14 avril 2016
Quel avenir pour le magasin physique ?
Compte-rendu
Le 14 avril 2016, le Club Les Echos en partenariat avec Kurt Salmon et Anaplan recevait le Président Directeur Général du groupe FnacAlexandre Bompard, autour du thème : 
« Quel avenir pour le magasin physique ? »

Alexandre Bompard, des médias au retail

C’est en 2004 qu’Alexandre Bompard rejoint le monde des médias en intégrant le groupe Canal+ en tant que Directeur de cabinet de Bertrand Méheut, alors Président du groupe. Il devient un an plus tard patron des sports et prend ensuite la tête d’Europe 1 en 2008 dans un contexte de pleine transformation digitale. Etre à la tête de grandes marques ancrées dans le patrimoine français, mais ayant besoin de se transformer pour retrouver une certaine croissance, est sûrement le fil conducteur de la carrière d’Alexandre Bompard. C’est ainsi qu’il est nommé à la direction de la Fnac fin 2010, malgré la difficile conjoncture notamment due à la chute des revenus liés aux livres et aux disques ainsi que la concurrence nouvelle de l’e-commerce.

Miser sur l’omnicanal

À son arrivée à la Fnac, Alexandre Bompard est frappé par l’ampleur des chocs que provoque la révolution digitale au sein du groupe. D’une part, le métier et les contenus se dématérialisent sous l’impulsion d’acteurs tels qu’Amazon, Netflix ou Spotify. D’autre part, les attentes des clients sont de plus en plus fortes dans un monde où ils peuvent se procurer tout produit à tout moment. La notion même d’expert qui faisait alors la force des vendeurs d’un réseau physique est remise en cause par ces évolutions de comportements : les clients se renseignent désormais en ligne avant de venir en magasin. D’autres concurrents comme Virgin n’ont d’ailleurs pas survécu à ces mutations profondes du secteur. Pour définir sa stratégie, Alexandre Bompard a fait deux constats simples :
      La Fnac réalise 96% de son chiffre d’affaires (2010) dans le réseau physique.
      Amazon, leader mondial incontesté du e-commerce, n’est pas rentable sur le métier de la Fnac malgré un savoir-faire exceptionnel dans les domaines logistiques, commerciaux ou digitaux.
Dès lors, il est impensable pour la Fnac de se couper de son atout majeur qu’est son réseau de magasins. L’enjeu est plutôt d’arriver à combiner le réseau physique et le réseau digital (fnac.com) en une expérience unique où le client peut bénéficier sur tous les canaux des mêmes offres au même prix et avec le même niveau de conseil. L’objectif étant d’offrir une expérience unique où l’on a le meilleur des mondes physiques et digitaux. Afin de rassembler ces deux mondes, Alexandre Bompard a mené plusieurs actions de synthèse entre les magasins et fnac.com :
  • Unification des directions marketing et commerciale magasin et fnac.com.
  • Incentives des vendeurs en magasins lorsqu’ils renvoient le client vers le site internet pour qu’il y réalise son achat.
  • Mise en oeuvre de parcours omnicanaux (click & collect , reverse click & collect, etc.).
Les résultats sont probants puisque de 5% en 2011, le chiffre d’affaires combiné physique/digital représente aujourd’hui 50% des revenus digitaux du groupe. C’est bien cette proposition de valeur qui est la meilleure des réponses à Amazon.

Diversifier son offre

Structurellement, les marchés traditionnels de la Fnac sont en effondrement, notamment ceux des produits culturels où la musique physique a par exemple perdu 60% de sa valeur en 5 ans. Dans ce contexte, au lieu de réduire la taille de ses magasins ou d’en fermer, la Fnac a choisi d’élargir les familles de produits proposés dans ses magasins. Pour marquer ce changement et envoyer un signal fort, l’enseigne a d’ailleurs choisi de lancer dans un premier temps une catégorie de produits qui est peut-être la plus éloignée des produits technologiques ou culturels : « le petit électroménager ». Pari gagnant une nouvelle fois puisque ces nouvelles catégories de produits (électroménager, papeterie, jeux-jouets) représentent aujourd’hui 20% des revenus, signe que malgré l’éloignement avec le cœur de métier, les clients ont adhéré. Ensuite, le lancement de la « Marketplace » a ouvert de nouvelles opportunités pour la Fnac. Dans ce système les stocks sont en effet démultipliés et externalisés, mais surtout cela permet de tester à moindre risques de nouvelles familles de produits qui nécessitent par ailleurs un nouveau savoir-faire.

Continuer à ouvrir de nouveaux magasins, dans de nouvelles zones, avec de nouveaux formats

A rebours des tendances de réduction du réseau physique, la Fnac a ouvert près de 50 nouveaux magasins ces 5 dernières années pour seulement4 fermetures. Pourtant ces magasins ne sont pas dans la lignée du réseau existant, ils sont résolument novateurs. En France, ils ciblent de nouvelles zones comme les aires de trafic (gares, aéroports) mais surtout des villes moyennes adressées par de nouveaux formats de magasins plus petits. Paradoxalement, c’est bien le digital et cette dématérialisation progressive du métier qui rendent possible l’ouverture de nouveaux points de vente. C’est en effet le modèle du magasin connecté qui permet d’avoir accès à l’intégralité de l’offre Fnac avec une livraison des produits le lendemain en ayant pourtant un stock physique réduit sur site.

Alexandre Bompard a développé ces nouveaux formats majoritairement sur le mode de franchises mais la maison mère reste très vigilante à ce que l’ADN de la Fnac et l’expérience client y soient respectés. C’est un modèle qui fonctionne, puisque 20 nouvelles ouvertures en franchise sont prévues sur l’année 2016. De plus, afin d’améliorer l’efficacité de ces magasins, des investissements importants sont réalisés en matière de formation pour les vendeurs, au niveau technique mais aussi sur les outils digitaux, ainsi que sur la logistique où l’agilité et la réactivité sont au centre des réflexions. Par ailleurs le groupe cherche à se développer à l’international, un tiers du chiffre d’affaires est déjà réalisé en Europe du Sud. Afin de s’exporter en propre avec succès, il faut pourtant être un leader solide sur son marché et une marque très forte. Le système de franchise permet ainsi à la Fnac de s’implanter plus facilement sur de nouveaux territoires, c’est ce qu’elle a fait au Qatar et sur le continent africain, au Maroc et notamment en Côte d’Ivoire, où l’émergence d’une classe moyenne et la digitalisation croissante ouvrent de nouvelles opportunités de croissance.

Profiter des synergies externes pour se développer

Sous l’impulsion d’Alexandre Bompard et la traduction des actions menées sur les résultats du groupe, l’enseigne a été introduite en bourse en juin 2013 et sa valeur a été multipliée par 3 depuis. Cela a conféré au groupe les marges de manœuvre et la solidité nécessaire pour proposer il y a peu une acquisition de Darty. Tout en préservant les deux marques et les deux réseaux de distribution, ce rapprochement pourrait permettre de mutualiser des savoir-faire clés, tout particulièrement sur le digital, afin d’accélérer le développement de chacune des deux enseignes. Le dossier est toujours en cours (au 14 avril 2016) et pourrait aboutir prochainement mais l’actualité du groupe Fnac est plus globale. Alexandre Bompard a en effet annoncé début avril 2016 l’entrée au capital de la Fnac par Vivendi. C’est un partenariat de choix qui apporte certes plus de flexibilité financière dans l’optique d’une éventuelle acquisition de Darty, mais qui va surtout permettre au groupe de se développer tout en conservant son identité. Vivendi est en ce sens le partenaire idéal : il dispose via Canal Overseas et le groupe Bolloré de solides réseaux en Afrique (un territoire de développement clé pour la Fnac) et gère la production de nombreux acteurs du secteur culturel là où la Fnac est un distributeur spécialisé. Enfin, alors que la Fnac a identifié le développement de ses abonnements comme axe de développement, Vivendi offre justement un grand nombre de nouveaux services digitaux. Ces partenariats stratégiques sont donc un levier fort choisi par Alexandre Bompard afin d’accélérer la croissance du groupe Fnac.


Par Fadi Chebli - Associé fadi.chebli@kurtsalmon.com
et Rémy Poulet - Consultant remy.poulet@kurtsalmon.com
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